• L'état d'urgence, on s'en met jusque-là

     

    Le terrorisme, le chômage, les réfugiés, le climat : la France est mobilisée sur tous les fronts. Mais l’urgence de Noël est la seule qui n’a pas pu attendre.

     

    Si j’ai bien compris, il n’y a plus urgence pour l’état d’urgence. Tout le monde commence à donner franchement son avis : est-ce que ça ne serait pas mieux comme ci ou comme ça ? C’est le problème de l’unanimité (quoique quelques députés aient voté contre la loi): mieux vaut en profiter dans l’instant que vraiment compter dessus, car elle ne dure jamais. Il y a aussi le fait que trop d’états d’urgence tuent l’état d’urgence : il y a état d’urgence contre le chômage, contre le réchauffement climatique, en faveur (ou contre) les réfugiés, contre Marine LePen, sans compter le vrai état d’urgence en passe d’être réurgenté au bout de trois mois –à la fin, ça devient comme les dossiers marqués urgents sur les bureaux des chefs dans Les bandes dessinées, il y a l’urgence du dessous et l’urgence du dessus. Les urgentistes du gouvernement semblent débordés à gauche et à droite. Dépassée, l’époque des cautères sur la langue de bois. On est dans la salle des urgences et l’infirmier vient dire : « Restez assis, le docteur va vous examiner dans douze à dix-huit mois. Soyez patient, puisque je vous dis que le docteur va vous examiner. » Au moins, on aura eu le temps de se déshabiller, on ne serait pas étonné de se retrouver à poil au moment de la prochaine consultation. La mobilisation générale, ce n’est pas le plus utile. Ça manque de remèdes dans l’armoire à pharmacie, sans compter qu’on ne regorge pas de sang neuf, ni à gauche ni à droite, pour transfuser la France. On est en face d’une urgence ralentie qui devrait durer au moins jusqu’à la présidentielle, une urgence de longue durée, qui réclame de prendre son temps. Au fond, l’urgence attendra. L’état d’urgence contre le chômage, peut-être que ça va permettre de faire des descentes de police dans les entreprises qui licencient, d’assigner à résidence les patrons trop gourmands et de contrôler aux frontières les réfugiés français de Suisse, du Liechtenstein ou des îles Caïmans qui reviennent donc de l’étranger après avoir mené gloutonnement leur jihad financier. Et l’état d’urgence contre le réchauffement climatique, est-ce qu’il y aura des brigades spécialisées qui, dans leur combinaison verte de combat, infiltreront à n’importe quelle heure de la nuit les cuisines et les poubelles des Français (et des Françaises) pour contrôler le tri sélectif–sans compter des agents très spéciaux qui auront le droit de venir éteindre la lumière à n’importe quelle heure dans n’importe quelle pièce inoccupée ? Il faut aussi un état d’urgence contre la baisse de moral, ou le gouvernement souhaite-t-il que les Français s’enfoncent dans la dépression alors qu’ils vivent dans un pays qui regorge de vins, de fromages et de foie gras ? « Puisque tout est foutu, à table. » La période est propice au moins pour ça. Et puis il y a aussi moyen de donner un petit coup de pouce à la natalité, ça ne peut pas faire de mal. D’autant que, plus que jamais, un enfant est un investissement qu’il faut chérir. On sera bien content qu’il ait un travail pour payer les retraites et il aura intérêt à être compétitif parce que ce sera la guerre des héritiers, tous ceux qui se le partageront, le gâteau de la dette (et du réchauffement). Si j’ai bien compris, ça risque d’être un peu étouffe-chrétien pour eux.

    Par
    MATHIEU LINDON


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